album peste noire

les albums de peste noire

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Note cet artiste

Folkfuck Folie

peste noire - Folkfuck Folie
TrackDuréeTitreTablature
103:42L'envol du grabataire (Ode à famine)
203:36Chute pour une culbute
304:51La fin del secle
402:46D'un vilain
507:18Condamné à la pondaison (Légende funèbre)
603:22La césarienne
706:10Maleiçon
803:04Amour ne m'amoit ne je li
902:57Psaume IV
1000:57Extrait radiophonique d'Antonin Artaud
1104:38Folkfuck Folie
1205:01Paysage mauvais

luigii

le 08/01/2010 15:14:31




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brkcoda Peste Noire : Folkfuck Folie brkcoda
(Chronique datant de 2007 récupérée d'un blog supprimé du web)

clef-treble C’est avec joie que j’ai dû renier mon mépris absolu de la scène Black Metal actuelle, tant vantée pour le nombre croissant de ses productions. Elle eut l’heur de naître plus tardivement que dans les autres pays occidentaux ; sa maturité est donc arrivée en décalage face à celle de l’étranger. Mais cela signifie seulement que sa décadence sera plus tardive. En fait, actuelle…
Et pourtant PESTE NOIRE !
« Folkfuck Folie », deuxième œuvre de PESTE NOIRE, est un album que nous aurons peu attendu, puisqu’il paraît moins d’un an après « La Sanie des siècles - Panégyrique de la dégénérescence », premier en date. Celui-ci avait suscité beaucoup d’attentes, des critiques apologétiques, voire hagiographiques ; et ce, tant de la part du public que des journalistes. « Folkfuck Folie » tient-il ses promesses ?
Je considérais en effet le premier album de forme trop molle, disparate par excès de richesse. Lors, que sort-il à présent, de ces confins mystérieux et inquiétants, de ces limbes ?
Un album sublimement rimbaldien.
Pour ma part, j’ai attendu dix ans un album de cette envergure. Depuis « Les Blessures de l’Âme » de SETH. Mais avec « Folkfuck Folie », PESTE NOIRE (Kommando Peste Noire ou K.P.N., pour les intimes) se place au-dessus de tous ses prédécesseurs. Et présente une résurrection du Black Metal, en créant un Ordre nouveau au sein de cet art. Et à la différence, bien sûr, que SETH était symphonique, alors que PESTE NOIRE ne l’est pas du tout.
Je n’en finis plus, depuis une semaine ! d’explorer cet album, tant dans ses recoins contrepointiques qu’à travers ses spasmes poétiques et au tréfonds de ses repères philosophiques. Je reconnais aussi que la personnalité ésotérique de PESTE NOIRE n’est pas facile à appréhender dessus pour le fan qui, au fond, attendait « La Sanie des siècles » deuxième du nom. « Folkfuck Folie » est un album décevant à la première écoute, surprenant à la seconde, et ne se laisse découvrir qu’après un temps d’adaptation : soit à la troisième. Mais alors là, les méandres seront sans fin.
Et à ce regard, la richesse de « Folkfuck Folie » est telle, qu’elle invite à une analyse en trois parties : la description des caractéristiques musicales (I), puis l’étude poétique et philosophique (II), enfin la synthèse qualitative de l’unité poético-musicale (III) ; à la suite de quoi nous offrirons une conclusion critique (IV).

I. ANALYSE DE LA MUSIQUE

L’étrangeté première, l’extraordinaire de PESTE NOIRE sur « Folkfuck Folie » est d’avoir su créer un album qui sache plaire tant sur le plan du Black brutal que mélodique, et ce à l’intérieur des mêmes morceaux, dans le même temps, sans avoir besoin pour cela d’user de claviers ou d’assainir le son.
Les voix de Famine, chanteur principal et guitariste a su conserver ce timbre d’un aigu filandreux qui la caractérisait. Muée, l’âge aidant, elle y a cependant gagné en profondeur, en gravité, en richesse de modulations. Les crédits présentent celle de Neige, second guitariste sur le titre « La Césarienne » seulement et claviériste (pour le peu de samples et d’orgues utilisés), comme « pituites », mot relativement rare qui se définit comme un « liquide glaireux que certains malades (alcooliques) rejettent le matin à jeun ; vomissement habituel de ce liquide ». La glaire est de la morve pathologique, à ma connaissance, - morve plus visqueuse cependant. La voix Famine est une glaire filandreuse, tissée, étendue, élastique. Oui, c’est cela. Dorénavant moins souvent aigue, plus grasse et plus grave jusque quelques rares résonances Death Metal. Échos plus glissants et collants comme une flaque de morve, étirée jusqu’à la sécheresse. Quelques morceaux sont en partie accompagnés en écho de la très belle voix féminine d’Audrey S., d’une vivacité lasse ou d’une vive lassitude (qu’en sais-je ?), très bien intégrée dans ses rares apparition, ou plutôt, précise le livret, « incantations sectaires ». Sa présence n’est d’ailleurs pas fortuite puisque Audrey S. est aussi membre au coté de Neige des groupes Alcest et Amesœurs. Les destins des trois groupes se croisent.
Les lignes de basse d’Indria se fondent par leur omniprésence dans chaque riff de guitare qu’elles accompagnent, approfondissent, développent, s’autorisant une ou deux fois un solo. La batterie de Winterhalter, aux lignes magnifiques, est aussi importante que la guitare, précédant et accentuant son jeu. L’orchestre est donc un bloc organique, lié, même si les mélodies de guitare se révèlent en dernière instance l’étincelle créatrice. À noter que Winterhalter et Indria sont compositeurs de leurs lignes.
Les notes évoluent donc comme ces points filés sur les roues à tisser des femmes d’antan. Les mélodies ne sont pas annelées en arabesques cerclées ; elles se déroulent et s’évasent dans une courbe ondulée, et fortement maîtrisées, en ce sens qu’elles ne perdent pas de l’œil leur but architectonique, leur proie harmonique. Elles semblent guider un Destin ; elles semblent surgir d’une historicité ancienne et nous parvenir par le fil des siècles. Mais fils de solistes (solos de tous les instruments) entrelacés dans leurs efforts contrepointiques, leurs raffinements polyphoniques. Solos souvent aussi désarticulés comme ces pantins théâtraux que le maître des fils meut par brusques à-coups entre deux immobilités ; solos parfois moins de guerre que de guérillas répétées, surprenantes, saisissantes.
Famine, compositeur principal du groupe, a voulu à l’évidence maîtriser mieux son art rhétorique. Autrement dit, insatisfait du caractère trop brumeux, aux frontières trop floues, de ses compositions précédentes, il a désiré en resserrer l’étreinte, les rendre plus carrées. Il a ainsi beaucoup travaillé la composition structurelle de ses morceaux, leur logique.
Et de fait, les morceaux de l’album ont perdu ce coté fourre-tout, parfois indécis, par excès de richesses, mais qui me gênait dans « Panégyrique de la dégénérescence » en les rendant parfois inconséquents, donc inefficaces. De fait, PESTE NOIRE semble décomposer les notes, en éclaircir le jeu, sans sacrifier le son gras du musculeux Black originel. Riffs durs de True Black Metal et accords clairs jusqu’au mélodiques, coups de balai agressifs du punk et résonances rock : l’auditeur découvre une sorte d’éclectisme musical devant lequel PESTE NOIRE semble parfois hésiter. Mais ce qui se révèlerait en permanence « melting pot » grossier chez un autre, par absence de personnalité, découvre ici ou laisse deviner plus souvent une sorte de Nouvel Ordre musical. Car PESTE NOIRE possède une personnalité rare, étonnante, d’une sincérité criante, car charnelle, ou, comme aime à provoquer Famine, « excrémentielle ». Rien de virtuel ; mais une résurgence mystique de l’union oubliée du corps et de l’âme. À travers « Folkfuck Folie », chaque morceau pris séparément comme l’album pris dans son ensemble constituent désormais un bloc plus dur, d’ « acier trempé » pour user d’une métaphore chère à Famine. Et ne sommes-nous pas en effet dans le Black Metal, l’Acier Noir ?!
Certains reprochent cependant à Famine cet art à présent plus « carré », aux morceaux plus courts… Quand bien même eussent-ils raison, je leur répondrai : Et pourtant, ce défaut n’est pas vice ; il me semble au contraire promesse de vertus futures. L’art rhétorique acquis à ce prix aura pour conséquence de forcir la verdeur des compositions, de les rendre plus efficaces, plus puissantes, plus viriles. Tout grand artiste est passé par cette phase, poètes, peintres, musiciens. Et Famine n’a que 20 ans, ou à peine plus. Ensuite, si les compositions sont plus courtes, leur richesse musicale est plus profonde, plus complexe. Écoutez mieux.

II. ANALYSE DU CONCEPT PHILOSOPHIQUE ET POÉTIQUE

Il est temps de rendre hommage au concept philosophique et poétique merveilleux de « Folkfuck Folie », et qui permet de mieux comprendre la musique de PESTE NOIRE.
PESTE NOIRE possède en effet, du propre aveu de Famine, des ambitions « musicale, philosophique, théologique et littéraire ». Famine place donc ces trois dernières à égalité avec la première.
Les paroles restent d’expression française uniquement. Aucune compromission ni facilité anglophone ou étrangère. Et d’ailleurs, lorsque l’on possède le style littéraire de Famine, nécessite-t-on de s’expatrier de sa langue maternelle ?
PESTE NOIRE n’a pas failli non plus à ses goûts ni à la personnalité que nous lui connaissons : sur douze textes, cinq sont de Famine, quatre de poètes du Bas Moyen-Âge (le clerc Tudold, Gautier de Coinci, Guillaume de Machaut), un du XIXème siècle (Tristan Corbière), deux du XXème (Robert Brasillach, Antonin Artaud). Mais ces trois derniers possèdent une forte connotation médiévale par leur mysticité.
Précisons de suite que Famine, tout en usant d’une langue riche et nuancée, et sans compromis envers le dialecte simpliste de notre époque, a renoncé à cette mode des mots rares, mode décadentiste et symboliste, fin de siècle (XIXe). Cette rhétorique me semblait artificielle. Elle gonflait sa pensée d’un habit énorme qu’il ne savait pas et ne pouvait pas (encore ?) porter. Ses vers en sonnaient souvent creux. La langue est dorénavant plus claire, tant dans la syntaxe et la grammaire que dans le vocabulaire. Et les quelques mots rarissimes sont intégrés à l’ensemble, sont devenus organiques.
Le mode de l’allégorie dans l’expression est omniprésent dans tous les textes de Famine et de Machaut, en respect des conventions littéraires du XIVème siècle. L’allégorie, rappelons-le, est la personnification d’une idée, d’un sentiment, etc. Ainsi chez Machaut de « l’Amour » dans la chanson « Amour ne m’amoit ne je li » (en langue française contemporaine : « l’amour ne m’aimait pas, ni moi lui » ; je ris au passage du nombre de fan-atiques de PESTE NOIRE qui sauront déchiffrer cet langue d’oïl ou en auront la curiosité).
L’âme de l’album est ainsi à l’image du deuxième poème de Famine, intitulé, avec cet humour noir méprisant qui n’appartient qu’à lui, « Chute pour une culbute ». Famine s’y adresse dans un superbe vocatif à la « Déesse Sida ». Celle-ci s’amuse à traquer « l’humaine porcherie » qui se vautre dans la luxure, le sexe, par faiblesse, par médiocrité, par absence d’âme. Et la Déesse rappelle à l’Humanité, par sa chasse pathologique, la cruauté de la Nature, de la puissance du Réel. Car la Mort y est seule Réalité. La conclusion en est que la morale de jouissance, cet idéal de larves, est encore le symptôme d’une époque droguée, fainéante, lâche. La Virtualité n’existe pas. « Déesse Sida » se charge donc de la mise à mort arbitraire de cette race d’esclave, pour user du vocabulaire nietzschéen.
Homme sain dans une époque et un pays malade, Famine a compris que le seul moyen de combattre la décadence n’était ni dans une réaction vaine (car n’est-ce pas être mort que de vouloir ressusciter des cadavres ? Le résultat en sera aussi artificiel que celui du Docteur Frankenstein), ni dans une révolution en faveur d’un idéal d’essence abstraite fondé une analyse fausse car vulgairement matérialiste (pensée type du symptôme de décadence). Il a aussi compris que toute force est extrémiste, donc que les progressistes et les conservateurs, - les deux pôles tempérés, - sont également lâches et opportunistes. Malades.
Non, Famine va jusqu’au bout de la décadence : il enfonce cette époque dans sa nullité, en se moquant de ses peur face à la Réalité éternelle : la Mort.
C’est un courage de guerrier, d’aristocrate. Là est la tentative de création d’un Ordre Nouveau : cet appel à la guerre.
Aussi, cet amoureux des pathologies les plus immondes du corps humain : la lèpre atomistique, la peste noire bubonique, rajoute une corde à son arc de guerre par la plus actuelle des maladies vénériennes : le Sida. J’use du terme mythologique « vénérien » (de Venus et son génitif latin, veneris : qui appartient à Vénus) plutôt que du patois conceptuel de notre époque, à savoir « M.S.T. » ou Maladie Sexuellement Transmissible, dont Famine n’use que dans un mépris moqueur. Car tel est bien le but de Famine : opposer la vérité saine des mythes humains à la virtualité morbide des concepts abstraits.
Or, l’âme est un reflet de la santé de notre corps. C’est donc notre âme sidaïque que Famine désigne coupable de notre corps malade, et inversement, dans une dialectique éternelle. Le secret de la vitalité de sa musique est de refléter cette pensée : poème et musique relèvent du même homme.
J’évoquerais aussi l’extrait tiré des « Miracles de la Vierge » de Gautier de Coinci. Celui-ci écrivait au XIIIème siècle, en plaçant les vers cités dans la bouche du Diable : « Ou Ciel va toute la ringaille /Le grain avons et Diex la paille » : « Au Ciel va la canaille / Nous (Satan) avons le grain, et Dieu seulement la paille (dont est tirée le grain de blé) ». Ce poème est en réalité une attaque contre le Christianisme. L’auteur fait passer ses idées anti-chrétiennes par le biais du Diable (pour que personne ne puisse remarquer que ces idées impies sont associées à l’auteur). C’est le Diable qui parle donc et qui dit que les mauvais, les handicapés, les difformes, ceux qui ont raté leur vie resteront dans cet échec douloureux et éternel auprès du Seigneur Dieu, au Paradis. Alors que les nobles, les belles dames iront en Enfer prolonger leur festin auprès du Diable. Autrement dit dans ce poème il n’est pas question que Dieu “restaure les noblesses que la naissance sur Terre n’a pas respectées” mais bel et bien que le Diable perpétue ces injustices. L’Enfer étant vu comme le lieu de la joyeuse ripaille, le Paradis le séjour misérable des ratés. Conclusion : dans la Religion, point de salut !
Je renonce cependant à commenter le titre de l’album. Je laisse le plaisir de l’interprétation à chacun. « Folklore d’égout » (lieu très excrémentiel), ainsi que précisé à l’intérieur du disque ? Je me tais.

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III. PÉRORAISON

La musique de PESTE NOIRE reflète une puissance de vie saine déchirant un corps malade : une chrysalide de survie.
C’est pourquoi aussi cet album sait être très brutal et très mélodique à chaque seconde : vision saine lacérant de ses armes un prurit d’abcès. Car il faut décrire les prétentions des deux parties pour trancher le litige en toute équité !
D’où sa vision enfin, de la « merde » de notre époque, et son art « scatologique », ou plutôt dirai-je : de la Scatologie à l’Eschatologie. Provocation rimbaldienne et concept philosophique : tout l’art excrémentiel de PESTE NOIRE est là !
Provocation rimbaldienne : le coté de l’outrance pathologique et scatologique est aussi sérieux que théâtral : il faut en rire comme d’une blague potache et juvénile de « la bête blatte blette de Valfunde », et comme d’un souris d’humour noir, cette « politesse du désespoir » (Boris Vian).
Mais aussi philosophie par cet Ordre Nouveau que j’évoque beaucoup et ne définit jamais. Qu’est-ce que l’Ordre Nouveau ? Une résurrection. Ainsi, résurrection en ce sens que PESTE NOIRE dépasse l’ancien ordre musical imité inlassablement ; Nouvel Ordre car à compter d’aujourd’hui, tout groupe Black Metal devra en passer par l’expérience et la vision du monde de PESTE NOIRE. Impérialisme sublime s’il en fut !
Mais, si cet art est cousu d’aiguille, et non atomistique, s’il n’explose jamais en perles détachées mais se noue en jointures, c’est encore pour nous montrer le fil historique depuis la Grande Santé du Moyen-Âge et nous forcer à inhaler cet oxygène salvateur à travers les miasme de sa lèpre. L’oxygène d’une époque, le XIVème siècle, où la France tomba dans les tréfonds pour ressusciter, sous une nouvelle forme, grande puissance. Phénix né des larmes de cendre ou reptile serpentin déchirant dans la joie sa peau ancienne : résurrection plus puissante et terrestre que la christique (tout au moins dans son sens vulgaire et non théologique).
En conséquence, PESTE NOIRE s’exprime la moitié du temps en langue d’oïl. Il en use comme du latin pour d’autres, c’est-à-dire d’une langue sacrée. Mais aussi, ce vieux français appartient plus encore que le latin à notre parler. Le chanter est donc accentuer le sens de la continuité historique de toute vie, de toute pensée : la poésie chez Famine est Mémoire, comme chez les Muses d’Apollon ! Ô Sagesse des Anciens.
Cette langue possède par ailleurs une tonalité musicale très originale, très franche, très sincère, très « authentique » (pour reprendre un mot à la mode), car très paysanne, et d’une syntaxe plus libre que notre langue contemporaine ossifiée par la goutte du Classicisme. C’est donc avec plaisir que mon ouïe s’est délectée de la prononciation par Famine le Racleux et l’excellente Audrey S. de la syllabe « -oi » en « -oué », qui prévalut à la Cour de France jusqu’en 1789, et que la Restauration (1814-1815, puis 1815-1830) tenta en vain de remettre en usage. Mais que les Québécois ont conservée, puisque coupés linguistiquement (et plus…) de la France depuis 1763. Toutefois, il ne me semble pas que la lettre « r » soit roulée. Cela prévaudrait pourtant. Ce sera pour la prochaine fois. En tout cas, une fois que l’auditeur-lecteur a intégré le caractère propre de cette langue, il ne peut plus s’en séparer pour accompagner la musique ! Elle correspond tant à sa sincérité.
Qu’écouter sur cet album : « Envol du Grabataire (Ode à Famine) » (chanson n°1), superbement boiteuse, faussement acoustique, même un peu rock, très innovante et novatrice sur le plan musical, hymne d’un albatros aux pattes cassées, « Chute pour une culbute » (chanson n°2), « D’un vilain » (n°4), « Amour ne m’amoit ne je lie » (n°8), où apparaît dans les interstices une discrète voix féminine et quelques riffs de guitare acoustique, sont les chefs-d’œuvre actuels du groupe. La Bonus Track, le suintant « Paysage mauvais » (n°12), bien que sentant encore les influences subies à l’âge juvénile, et manquant ainsi quelque peu de cette personnalité forte qui fait la gloire actuelle de PESTE NOIRE, rappelle magiquement le meilleur de l’ancien style, celui des démos ; et nous fait prendre conscience des progrès accomplis ! Précisons que le délirant et fascinant « Extrait radiophonique d’Antonin Artaud » (n°10) est issu de l’œuvre radiophonique « Pour en finir avec le jugement de Dieu » (1946), publiée sous le nom du seul Artaud ; et que l’Atrabilaire M. (Maldoror ?), légèrement cabotin, comme son ami Famine, et dont la voix rauque et chaude et la philosophie cryptique préfacent la fade « Maleiçon » (n°7), s’en inspire à l’évidence.
Toutefois, et au niveau purement musical, l’album n’est pas sans défaut. En regard en effet des précédentes chansons citées, « Condamné à la pondaison (Légende funèbre) » (n°5) aurait mérité plus de concision ; sur sept minutes, trois au grand maximum eussent suffi. Elle est très inférieure à la qualité générale de l’album, car trop basique dans ses lignes. Je viens d’évoquer plus haut le caractère fade de « Maleiçon » (n°7). La chanson éponyme (n°11) est saturée de riffs d’une banalité à pleurer… « La Fin del secle » (n°3) s’épuise vite, malgré une première minute magnifique de grincements de guitares semi-avortés, très évocateurs, sur un fond de martèlement militaire à la batterie.
Pourtant, et malgré ses insuffisances sur ce plan, ce qui m’impressionne le plus sur cet album, et que j’ai très rarement eu le bonheur d’entendre tous styles de Metal confondus (et dans les limites de mon érudition…), est cette fusion étonnante, organique ! des textes et de la musique. En cela, PESTE NOIRE se place parmi les plus grands ! Je prendrai un seul exemple : « Chute pour une culbute » (chanson n°2). J’ai évoqué l’absence générale d’arabesques sur cet album. Voici la seule exception. Mais ici, en raison des paroles, qui, ainsi que nous l’avons exposé plus haut, se moquent des « victimes » de la morale de jouissance, la mélodie s’amuse à « se cercler », pour ironiser sur le cercle vicieux dont sont prisonnière les âmes déchues, mortes, sidaïques par destinée. Jamais je n’avais entendu de la musique ironique, même si grâce aux paroles. Ce morceau est en outre dans toute sa seconde moitié (après le break) un véritable morceau de bravoure de syncrétisme poétique et musical.
Dans la même ambition, il faut citer encore une fois « D’un vilain » (n°4) et ses susurrements insinuants, ou bien « La césarienne » (n°6) et ses riffs de délectation, affamés et affamants, composés par Neige, ou encore la spleenétique « Amour ne m’amoit ne je li » (n°8), ou enfin les mélopées de « Psaume IV » (n°9).
Le seul reproche majeur, envers « Folkfuck Folie », est cet éclectisme musical, à prédominance Black Metal. Certes, il se révèle chez PESTE NOIRE l’ambition d’un syncrétisme impérial. Mais Famine me semble encore à la recherche de ce dernier. D’où l’adjectif « rimbaldien » que je colle à cet album, quelque peu stérile quant à sa postérité. Car seul est fertile le caractère impérial, celui du Père, non du Compagnon ! Et l’Empire n’arrive qu’avec la maturité. PESTE NOIRE possède trop de richesse intérieure pour l’avoir déjà épuisée. Mais trop aussi pour l’avoir toute explorée. Une cathédrale est plus longue à construire qu’une maison de gueux. Or, le syncrétisme poétique, artistique et philosophique auquel tend le groupe sur « Folkfuck Folie » est quelque peu bancal, bien qu’à l’évidence plus sûr que « La Sanie des siècles – Panégyrique de la dégénérescence ». PESTE NOIRE ne me paraît pas avoir encore découvert, sinon partiellement, sa clef de voûte. « Folkfuck Folie » présente donc un caractère incomplet, face à ses propres ambitions.
Et tel est l’unique défaut en profondeur. Mais de lui découlent les insuffisances et inconséquences de l’album : l’absence d’une clef de voûte qui unira l’ensemble en un bloc syncrétique et synthétique tout en approfondissant, définitivement, sa perspective abyssale.

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IV. CONCLUSION

PESTE NOIRE est sans aucun doute le seul groupe de Black Metal français digne d’intérêt depuis SETH. C’est pourquoi je me suis lancé dans une analyse aussi longue et aussi complexe. À la différence majeure, toutefois, que SETH naissait à l’aube du mouvement Black Metal français, tandis que PESTE NOIRE est condamné à la solitude. Crépuscule du matin pour les Bordelais de SETH. Crépuscule du soir pour la morbidité de K.P.N. Car, pour reprendre les termes spengleriens, le Black Metal français de la fin des années 1990 était une culture naissante, et ainsi partagée même des médiocres car portée aussi par eux ; cet état de fait délayait la solitude de SETH. Mais si un mouvement artistique peut prétendre à dix ans de vie, le Black Metal français est mort aujourd’hui. Le monde que méprise PESTE NOIRE est à son image : non plus même une décadence, mais une dégénérescence.
Il est difficile et même artificiel de noter une œuvre si supérieure. Devrons-nous en effet la juger face à la scène Black Metal, et Metal, européenne et mondiale ; ou bien placer « Folkfuck Folie » dans l’Histoire de l’art ?
En vertu de la première solution, j’accorde avec plaisir un 17 /20 à cet album, malgré quelques inconséquences et insuffisances, et en l’honneur de tous les 04 /20 et les 07 /20 que la scène actuelle mérite.
Mais au gré de la seconde solution, soit face aux plus grands compositeurs et poètes de France et d’Occident, j’accorderai de bonne grâce un 13 /20, car je tiens compte de l’époque nullissime en laquelle et contre laquelle doit composer PESTE NOIRE. De fait, ce qui est grand nécessite du temps à mûrir. Les racines des arbres puissants et tutélaires sont longues à s’infiltrer. PESTE NOIRE, et indépendamment de cette entité Black Metal, Famine, sont à l’évidence loin d’avoir découvert leur potentiel entier. Telle est la cause de ma réserve. Leur sied la phrase de Mazarin à propos du jeune Louis XIV : « Il se réveillera un peu tard, mais il ira plus loin qu’un autre ; il y a en lui de quoi faire un grand roi et quatre gentilhommes ». Un peu tard peut-être…par excès de richesse, par excès de profondeur !
Aussi, je ne crois pas que « Folkfuck Folie » sera l’album de la consécration. Le meilleur de son art, ce qui justifie l’existence de PESTE NOIRE, du PESTE NOIRE rimbaldien en tout cas, n’est pas achevé. Je veux parler de l’Ordre Nouveau, de cette vision du monde ou Weltanschauung que Famine porte en lui, en gestation. Mais bientôt, aucun groupe à venir ne pourra pas n’être pas strié par la patte PESTE NOIRE.
Les Réprouvés d’Ernst von Salomon criaient : « Nous n’avons pour frontière que les limites de notre force ». Alors, Famine, âme impériale du groupe, nous fera-t-il l’honneur de créer cet album qui sera la pierre angulaire du Black Metal français et européen ? Nous fera-t-il l’honneur de nous montrer les limites de sa force, et, non de les étendre, mais de les briser !
13 /20 (car une telle magnificence dans le génie mérite d’être jugée face aux plus grands poètes et compositeurs occidentaux. Fi du Black Metal et de notre stupide et balbutiant millénaire !) Mais que la note demeure entre nous, officieuse. Je ne l’inscrits pas sur le serveur.