Mali : « Culture contre coronavirus »

De la diaspora ou dans le pays, les artistes sensibilisent les populations avec des vidéos postées sur les réseaux sociaux. Un label est même né !

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Le logo du label contre le Covid-19. 
Le logo du label contre le Covid-19.  © DR

Temps de lecture : 4 min

King Massassy

« Le Mali n'était pas encore touché quand j'ai commencé à tourner mes vidéos sur les gestes barrières », raconte l'artiste malien King Massassy depuis Barcelone où il se trouve temporairement confiné. « Mais en voyant ce qui se passait ici en Espagne un pays durement touché, j'ai voulu anticiper en envoyant ces petits messages à mes compatriotes, en bamanan [ou bambara, langue nationale majoritaire, NDLR] ». Le Malien, rappeur, comédien et photographe talentueux, se filme ainsi à domicile tous les deux ou trois jours, poste sur Facebook et WhatsApp, qui fait un tabac au Mali, de courtes séquences rappelant les consignes de base à respecter en temps de coronavirus.

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Cheick Tidiane Seck

Ils sont de plus en plus nombreux à s'engager tel le musicien Cheick Tidiane Seck, confiné chez lui à Paris depuis son retour de Bamako (il vit entre les deux pays) le 10 mars pour des concerts en France annulés les uns après les autres. D'abord très présent pour rendre hommage à son ami Manu Dibango, mort le 24 mars du coronavirus, il a aussi envoyé des messages à destination de la population de son pays natal. « Il ne s'agit pas de faire notre promo d'artistes, mais d'engager le plus possible à changer nos habitudes pour respecter les mesures de protection », dit celui qui a été sollicité notamment par la télévision malienne.

Lire aussi « Manu Dibango a abattu des montagnes pour la culture africaine »

Responsabilité

La responsabilité est de taille. King Massassy en a bien conscience pour vivre la pandémie depuis l'Espagne, très touchée : « Quand je dis ce qui se passe ici, les Maliens sont effarés, mais moi je pense au thé qu'on boit dans le même verre au grin [réunion de quartier quotidienne entre amis]. Je ne savais pas si, comme dit le proverbe chez moi, la veste cousue ici peut aller à celui qui porte de grands boubous, mais j'ai tablé sur les conseils qui sont donnés en Europe en me documentant précisément. »

Pas d'automédication avec la chloroquine

Et on lui redemande ses vidéos qui touchent au minimum 5 000 followers et s'adaptent à l'actualité. Ainsi, sur la question sensible de la chloroquine : « Elle a fait des morts en Afrique, beaucoup en ont pris, et même si elle s'avère une solution à terme, il ne faut surtout pas pratiquer l'automédication, comme au Nigeria où ces personnes qui en ont trop pris ont été hospitalisées. C'est le sens de mon message. »

Comment ne pas sortir de chez soi ?

Il va sans dire que des consignes déjà difficilement applicables en Europe le sont plus encore dans la vie du continent africain (notamment) : « On parle de confinement au Mali alors que les gens vivent de l'informel et mangent ce qu'ils trouvent le jour même. Comment ne pas sortir de chez soi ? Pour mourir de faim ? » Alors que, à Barcelone, souligne King Massassy qui vit de l'intérieur les différences Europe-Afrique, on peut encore se faire livrer des repas, un service à domicile qui commence tout juste dans son pays et qui n'est à la portée que d'une minime partie de la population.

Lire aussi Lassy King Massassy : « Le Mali, une démocratie qui marche à cloche-pied »

Démentir les fake news

Pour autant, les téléphones portables sont une voie royale pour communiquer jusque dans les coins les plus reculés du Mali et les vidéos d'artistes populaires peuvent toucher beaucoup de gens et surtout démentir rumeurs ou fake news. « Il ne faut pas se mentir, poursuit le photographe, on voit déjà des potions magiques se vendre dans les bleds… » Quand aux gels hydroalcooliques, ils sont passés de 1 200 CFA à 10 000 CFA la bouteille !

Couvre-feu

Le Mali vit aujourd'hui à l'heure du couvre-feu (de 21 h 30 à 6 heures du matin) et la journée de travail s'arrête à 14 heures. Là-bas comme en France toute la chaîne culturelle est à l'arrêt. (Autre point commun : les dernières élections ont été maintenues !). Les artistes s'emploient à diffuser des messages sur le même principe, chacun y met sa touche, ici Habib Koïté et bien sûr Amadou et Mariam, qui s'expriment sur la radio Mikado FM.

Alioune Ifra Ndiaye

Il suffit de se rendre sur la page Facebook de la Fedama (Fédération des artistes du Mali) pour mesurer le phénomène. Il a même son propre label : « Culture contre coronavirus », créée par la fédération nous explique l'entrepreneur (et agitateur !) culturel Alioune Ifra Ndiaye. « Les événements de 2012 nous ont permis de réfléchir à la situation du secteur culturel qui a dû mettre la clé sous la porte, sans accompagnement. Alors quand on a senti la pandémie venir, on a demandé au gouvernement de prendre en compte la condition des artistes et de créer un fonds d'aide d'urgence, en adressant une lettre ouverte au président de la République, puis en rencontrant la ministre de la Culture. En parallèle, nous avons proposé de faire des actions de sensibilisation. » Et malgré l'absence de résultats concrets en matière de mesures pour les artistes, ces derniers se sont mis au travail citoyen. « Moi, j'ai écrit une petite pièce de marionnettes, poursuit Alioune Ifra Ndiaye, et les slameurs, humoristes, comédiens se sont mobilisés en plus des musiciens, dont la chanteuse Diamy Sacko. »

Quant aux griottes, chanteuses à la voix d'or si présentes dans la vie malienne, privées de mariage et de baptême ? L'une d'elles nous raconte qu'un fonctionnaire bamakois s'en est pris directement au coronavirus en le priant de retourner là d'où il vient, car il laisse les gens sans argent. Dans un autre genre, une blague court sur ces femmes trompées qui voient enfin revenir leur mari volage : confiné à la maison ! Ou comment garder le sourire dans un pays soumis depuis 2012 à de si rudes épreuves…

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