James Gray et « Les Noces de Figaro » : heureux mariage !

« Le Point » a eu de la chance de pouvoir assister à une répétition puis à une représentation du célèbre opéra de Mozart mis en scène par le réalisateur américain. Courez-y !

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LES NOCES DE FIGARO - LE NOZZE DI FIGARO - Compositeur : Wolfgang Amadeus MOZART - Livret : Lorenzo DA PONTE - Direction musicale : Jeremie RHORER - Mise en scene : James GRAY - Scenographie : Santo LOQUASTO - Costumes : Christian LACROIX - Lumieres : Bertrand COUDERC - Avec : Anna AGLATOVA (Suzanne) - Robert GLEADOW (Figaro) - Stephane DEGOUT (Le Comte Almaviva) - Vannina SANTONI (La Comtesse Almaviva) - Eleonore PANCRAZI (Cherubin) - Carlo LEPORE (Bartolo) - Jennifer LARMORE (Marceline) - Florie VALIQUETTE (Barberine) - Mathias VIDAL (Basilio) - Matthieu LECROART (Antonio) - Rodolphe BRIAND (Curzio) - Le 21 11 2019 - Au Theatre des Champs Elysees - Photo : Vincent PONTET

LES NOCES DE FIGARO - LE NOZZE DI FIGARO - Compositeur : Wolfgang Amadeus MOZART - Livret : Lorenzo DA PONTE - Direction musicale : Jeremie RHORER - Mise en scene : James GRAY - Scenographie : Santo LOQUASTO - Costumes : Christian LACROIX - Lumieres : Bertrand COUDERC - Avec : Anna AGLATOVA (Suzanne) - Robert GLEADOW (Figaro) - Stephane DEGOUT (Le Comte Almaviva) - Vannina SANTONI (La Comtesse Almaviva) - Eleonore PANCRAZI (Cherubin) - Carlo LEPORE (Bartolo) - Jennifer LARMORE (Marceline) - Florie VALIQUETTE (Barberine) - Mathias VIDAL (Basilio) - Matthieu LECROART (Antonio) - Rodolphe BRIAND (Curzio) - Le 21 11 2019 - Au Theatre des Champs Elysees - Photo : Vincent PONTET

© Vincent PONTET / Vincent PONTET

Temps de lecture : 4 min

Au moment où les metteurs en scène d'opéra font leur cinéma et meublent de vidéos une scénographie inexistante, il est réjouissant de voir un grand cinéaste passer de l'écran à la scène lyrique. James Gray fait ses débuts dans une nouvelle production des Noces de Figaro de Mozart au théâtre des Champs-Élysées.

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« C'est le meilleur moment de ma carrière artistique. À la fois très différent et en continuité avec ce que j'ai fait avant. Entre le cinéma et l'opéra, au-delà des formes et des moyens esthétiques, il y a des liens forts. Un drame qui noue les conflits intérieurs des personnages et les rapports violents entre eux et la société. La corruption, le pouvoir et sa violence, le désir sexuel, force ravageante », explique-t-il. Depuis qu'il a découvert l'opéra, à 25 ans, Gray lui a toujours fait une place, explicite dans la musique de ses films (Puccini dans Two Lovers) ou implicite dans la construction de scènes conçues comme des trios, des quintettes ou des chœurs (Little Odessa, We Own the night).

Violence de l'intime

Le Point a eu de la chance de pouvoir assister à une répétition du deuxième acte dirigée par Gray avant d'assister à la représentation elle-même en costumes (magnifiquement réinterprétés des tableaux de Goya, par Christian Lacroix). Sa direction d'acteur vise à rendre visible ce que l'on pourrait appeler la violence de l'intime inexprimé. Le metteur en scène ne procède jamais en disant aux chanteurs de se placer de telle ou telle façon en avant ou en arrière de la scène, de face ou de profil, mais en faisant avec eux un travail inspiré de l'Actors Studio en leur demandant ce qu'ils feraient ou ce qu'ils ont fait confrontés à des situations semblables. « Travailler avec les chanteurs, dit-il, est plus difficile mais plus riche qu'avec des acteurs de cinéma, qui arrivent sur le plateau avec des idées de jeu préconçues. La musique de Mozart, qui en elle-même est tout un théâtre, les guide vers le centre d'eux- mêmes. » (1)

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Comme Don Giovanni et Cosi fan tutte, ensuite, le premier opéra de la trilogie de Mozart – et de son librettiste da Ponte – pose une question très actuelle que l'on retrouve dans toute l'œuvre de James Gray : quelles formes prennent le désir et l'amour dans une société de classes ? Tous ses films ne parlent que de la difficulté d'aimer, que ce soit dans la famille ou dans le monde social. Gray a retrouvé dans LesNoces de Figaro le thème de l'enfermement dans la famille, lieu géométrique de la lutte entre les sexes et les générations sous l'emprise d'un ordre social fait de violence et d'inégalités. Un monde où les pères sont des fantômes ou des fantoches et où les femmes restent soumises à la domination masculine et aux jeux du sexe et de l'argent. Où la vérité n'est qu'une suite de malentendus qui, d'erreur en erreur et de mensonge en mensonge, est toujours remise en cause : les masques ne tombent jamais.

Emprise sur le corps des femmes 

La scène se passe en Espagne, c'est-à-dire n'importe où, dans le Queens, où Gray est né, ou à Paris, où des milliers de manifestantes et de manifestants défilent ce jour-là (23 novembre) pour dénoncer les violences faites aux femmes. Car c'est bien le cœur des Noces de Figaro, cette emprise sur le corps des femmes exercée par le maître comme par son serviteur. Dans LesNoces, il est beaucoup question de virginité, de droit de cuissage, de voile, de désir maquillé en amour, de mariage comme prostitution à durée indéterminée et de prédation remplaçant la séduction (séduire, c'est parler la langue de l'autre, non lui imposer la sienne).

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« Voi che sapete che cosa e amor », dit Chérubin à la comtesse. Le problème, c'est que ni elle ni le comte, qui, tout en lui étant infidèle depuis des années, pourchassant servantes ou villageoises, devient fou de jalousie lorsqu'il la soupçonne d'infidélité avec Chérubin ou avec Figaro. Le couple de domestiques, Figaro et Suzanne, ne sait pas non plus quelle chose étrange est l'amour. Et la musique de Mozart ne prétend pas le savoir ni le comprendre, mais simplement en suivre les battements contradictoires et les déchirements permanents. James Gray, lui non plus, ne sait pas ce qu'est l' amour : il le montre dans toute sa folie, ses esquives, ses tourments, dans cette « folle journée » (c'est le titre de la pièce de Beaumarchais dont s'inspirait da Ponte) où il n'y a que des dupes qui se trompent de tromperie. L'amour, c'est ça, on n'y comprend rien. Ça a à voir avec le désir, mais quoi ? Dans quel sens l'un entraîne-t-il l'autre ? L'amour ? Une porte fermée et, quand on réussit à l'ouvrir, on recule de peur de rester enfermé en dehors de soi.

Vous qui, comme moi, ne savez pas ce qu'est l'amour, allez voir Les Noces de Figaro mis en scène par James Gray. Vous vous identifierez à la solitude de la comtesse, au désarroi du comte, à la résignation des humbles devant cet objet toujours perdu comme l'épingle que Barberine cherche dans le noir.

« Les Noces de Figaro », jusqu'au 8 décembre au théâtre des Champs-Élysées (Paris 8e). Mise en scène de James Gray, direction de Jérémie Rhorer. Avec Anna Aglatova, Robert Gleadow, Stéphane Degout. Les Noces de Figaro seront diffusées dans les salles du Cinéma MK2 Bibliothèque, MK2 Quartier Latin et MK2 les Quais le 6 décembre à 20h et sur France 5 le samedi 14 décembre 2019 à 22h30

(1)Soulignons particulièrement, outre une excellente distribution, l'admirable direction d'orchestre et de chanteurs de Jérémie Rhorer, d'une incroyable précision dans les nuances et d'une tension émotionnelle intense en accord avec la conception de Gray d'un opera buffa, certes ( on rit beaucoup), mais où le tragique affleure sans cesse.

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Commentaire (1)

  • lécologiecasuffit

    J ai connu marivaux emascule par des metteurs en scene, ou dénommé tel, marxistes qui y trouvaient l origine de la litte des classes (si si), d autres qui montaient feydeau en avantt garde du front populaire, et quelques autres âneries, pour rester poli, de ce genre, mais alors là... Voir du metoo dans les noces de figaro... Que ce fut dans le probet du metteur en scene ou dans la vision du journaliste, j ai beau me croire blindé, ... J hysterise grave... Comme dirait...