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Après son dernier album, El Mutakallimûn, dans lequel Souad Massi avait redonné vie à des textes de grands poètes arabes, elle revient avec un album où, sous les accords chaâbi-pop, s'affirme une femme en paix intérieure. Titre retenu : Oumniya ! En arabe, langue en polysémie riche, Oumniya signifie « mon souhait », mais aussi « ma prière » et « mon rêve ». Mais le sens que souhaite lui donner Souad Massi est le premier, celui du désir du cœur plutôt que de l'âme. Pour cela, il fallait donc se découvrir un peu à travers cet album, forcer une nature à l'évidence peu encline à l'épanchement.
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Un album de cœur
Car discrète, Souad Massi l'est. À l'évidence. Sur la pochette, elle apparaît en simplicité, souriante, comme si elle passait par là et prenait la pause incidemment. Pourtant, Oumniya est un disque très personnel, où la pudique tout autant que sensitive s'expose par ses mots, au-delà de l'habillage harmonique et mélodique qui aurait pu faire écran ou cocon. « Je ne me suis pas fait violence », explique-t-elle, de cette voix au vibrato chaleureux si reconnaissable. « Mais à un moment donné dans ma vie, j'ai décidé d'aller à l'essentiel, car je sais que tout peut basculer du jour au lendemain. J'ai décidé d'assumer le double fait que je sois une femme et une artiste. J'ai dépassé certains blocages. J'ai pu me censurer dans certains thèmes, l'amour, la sexualité ou des sujets politiques. Je suis une personne très réservée, mais j'ai appris à vivre mes choix, mes mots, mes thèmes. Je me suis émancipée en un sens. Avec cet album, j'ai pu me libérer, et à 47 ans, il était temps (sourire). Pourtant, rien ne m'empêchait de le faire, sinon moi-même. Il faut libérer les choses dans sa tête pour libérer son écriture. »
Souad Massi était apparu avec la magnifique chanson « Raoui » (Le conteur). Conteuse, elle l'est aussi. Chaque morceau d'Oumniya semble nous prendre par la main et nous mener sur un chemin pavé de mots et bordé de contes. Même si la signification peut échapper à l'auditeur, le sens est saisi malgré la barrière de la langue. « Conteuse… oui, je le suis, et c'est un compliment pour moi. Dans la tradition algérienne, la chanson passe par une histoire contée. Pour ce qui concerne mes chansons, je parle beaucoup de ce que j'observe, ce qui me touche, mes observations. Des histoires personnelles traversent cet album. Je parle aussi des femmes, de leur condition, ce qui reste un de mes sujets de colère et d'étonnement. »
Entre le folk et le chaabi algérien
S'égrènent ainsi des textes fins, habillés en musique, chaâbi, folk, rythmiques souples, violons chaleureux. Sa musique porte des strates diverses, décantation harmonique d'influences diverses. Se mêlent le violon arabo-andalou de Mokrane Adlani, la mandole de Mehdi Dalil, la derbouka de Rabah Kalfa enchevêtrée aux percussions latines d'Adriano Tenorio. Souad Massi porte tout cela par son pays natal, l'Algérie, carrefour entre le Maghreb, l'Afrique, le monde arabe et berbère et l'Europe. Mélange à l'image aussi de sa culture musicale acquise sur les hauteurs d'Alger, entre hard rock, musique classique et poésie arabe et kabyle. Entre un père cadre à la Compagnie des eaux, une mère qui la convainc de faire des études d'urbanisme, un frère, Hassan, compositeur avec qui elle travaille désormais, la jeune Souad Massi sort de sa réserve naturelle par l'art et pour l'art. « Ma famille aimait toute sorte de musique. C'est une liberté inouïe. Au fond, c'est dans la culture, musique et livres, que je trouvais mon absolue liberté. » L'album se chante autant qu'il est dit et s'écoute en arabe dialectal algérois, « la langue qui m'est la plus naturelle pour chanter » précise-t-elle, mais se dote une magnifique mise en musique d'un poème en arabe classique du poète palestinien Mahmoud Darwich.
Du vécu
Quel serait le fil rouge de cet album, mais plus largement de sa trajectoire artistique ? La réponse fuse. « Ma part d'enfance. » « Je crois que je ne veux pas y renoncer. Imagination, projection, curiosité, tout cela est dans cette part essentielle. J'ai l'impression que, si je la perdais, je perdrais l'envie de chanter. Car alors je tricherais et je ne veux pas plus tricher sur scène que je ne triche dans la vie. »