Diantre, mais dans le rock, béni sont les non-anglophones qui ont le bonheur de ne pas comprendre les textes !
En fait, le rock and roll, c'était au départ une musique à danser. Alors les textes...
L'histoire du brave Johnny Be Goode et ses tribulations plus ou moins autobiographiques étaient largement suffisantes. Un simple Rock Around The Clock faisait l'affaire.
Après, au niveau de la vague anglaise des 60's, il faut remettre les choses dans leur contexte : c'était la guerre des singles.
Il fallait sortir du disque à un rythme effréné. Tu tapais dans une poubelle, 3 groupes de rock en sortaient. Il fallait toujours avoir une actu, toujours faire le buzz, sinon c'était fini. Comme quoi Internet n'a pas tout changé.
Les gars n'avaient pas le temps d'écrire des textes, et s'en souciaient d'ailleurs assez peu.
Les Beatles faisaient volontiers dans le mièvre ou le transparent, et les Stones dans le subversif ou dans l'obscène.
Question d'image.
Alors oui, au détour d'une chanson, on trouvait parfois une belle inspiration. Un beau texte, un peu plus travaillé.
Mais la masse se situait à un niveau d'une indigence affligeante.
Les choses ont finalement peu évolué par la suite.
Donc, selon son style, on peut être grossier, provocateur, mou du slip, sirupeux, teigneux... ça n'engage pas à grand chose en matière de qualité, mais ça permet de toucher un public et de coller à une image.
Dans les 60's, en Angleterre, les Kinks font pour moi un peu figure d'exception, Davies faisant souvent mouche avec ses textes simples mais bien tournés, et touchants, mettant en scène divers personnages de la working class, toujours dépeints avec amour.
Après, le sens des paroles.
Parfois, il faut avoir les codes. Certaines chansons demandent une "clé" pour les comprendre. Sans ça, elles restent floues.
C'est le cas de l'Aigle noir, qui passe d'une chanson poétique et vaguement mystérieuse à un chef d'oeuvre qui donne froid dans le dos.
C'est le cas de Wild Horses des Rolling Stones, quand on sait que le "Wild Horses, couldn't drag me away" avait été prononcé par Marianne Faithfull quand elle avait failli mourir.
C'est le cas de "Mr Tambourine Man" de Bob Dylan, pour peu que l'on sache que dans la chanson, l'homme au tambourin est en fait son dealer.
Il y a pas mal de chanson, comme ça. C'est délicat à réaliser.
Le plus délicat à réaliser (et les Beatles, que je taillais un peu auparavant, ont notamment su le faire) ce sont les chansons à double sens de A à Z. Un sens premier degré évident, et un sens second degré beaucoup plus subversif. Une chanson n'est pas toujours aussi niaise qu'on le croit.
Il y a des chansons qui n'ont pas un sens, mais mille.
un ami prof d'anglais aime faire étudier "Like a Rolling Stone" de Dylan.
S'il est clair pour à peu près tout le Monde qu'il s'agit de la description d'une déchéance ; d'une descente aux enfers, personne ne trouve jamais le même sens dans la chanson.
On peut chercher à qui elle s'applique : elle peut coller à la peau de bien des personnages.
Même le ton de la narration peut prêter à discussions. certains le trouveront empathique, d'autres neutres, et d'autres cruel, selon l'histoire qu'ils auront calqué dessus.
Ca, c'est du grand art.
Il y a la chanson "qui a quelque chose à dire".
Certains modèles du genre sont finalement assez faibles. Dylan a lui-même désavoué ses protest songs (en pensant plus précisément à Blowin in the wind, qui l'avait porté au pinacle) avec "my back pages", où la phrase "I become my ennemy in the instant that I preach" est assez claire. Mais à côté de ça, comment ne pas trouver jubilatoire le texte de "The times they are a changin'" ?
De chansons engagées, des chansons qui ont quelque chose à dire, il y en a donc d'excellentes, comme il y en a beaucoup de très niaises, mais elles cultivent rarement le mystère, puisque le message est destiné à être compris de façon très claire (quoique certains cultivent l'ambiguïté, et il faut une grosse maîtrise de la langue pour le détecter. En Français, Sardou en fait partie).
Il y a la chanson plus ou moins impressionniste. En la disséquant, tout n'est pas clair, et pourtant, le sens général du propos est lumineux. A condition, là encore, de maîtriser suffisament les tournures de la langue.
Puisque je suis parti à citer Dylan, "A hard rain a gonna fall" est un peu dans cette veine.
En français, Cabrel s'y est essayé aussi, avec un peu moins de bon goût dans les images, avec un peu moins de talent. je le péfère sur ses albums plus récents (depuis Samedi Soir sur la Terre) avec des textes plus sobres (et soMbres, d'ailleurs), plus clairs, beaucoup plus efficaces.
Il y a la chanson surréaliste. On me dira que je cite beaucoup Dylan, mais quand on parle de textes en anglais...
Donc, Desolation Row en est un exemple précis.
Difficile de comprendre clairement quelque chose à ce défilé de personnage. Et pourtant, la desolation row, on la voit. On pourrait presque la toucher. L'ambiance est évidente, envahissante.
Morrisson s'y est également essayé, avec, pour moi, des résultats inégaux (parfois géniaux, certes...)
Et puis il y a les chansons qui ne veulent rien dire. Qui n'ont aucun sens.
Les chansons absconses.
C'est d'autant plus pathétique que certains sont bien pompeuses, veulent en jeter. Alors qu'il n'y a rien derrière, rien à creuser, rien à sauver.
Et des textes comme ça, dans le rock / hard / métal, je t'en donne 13 à la douzaine.
Et la poésie, dans tout ça, bord*l ?
Elle peut se nicher partout, dans n'importe quel style.
Elle est souvent désespérément absente, hélas. Ou, pire, désespérément lourde et maladroite.
The Duck & The Stray Rats forever !